Du 7 au 10 décembre 2021, l’association Internet Sans Frontières – Brésil et l’Alliance française de Belo Horizonte ont co-organisé un événement sur les droits numériques et la démocratie avec la participation de personnalités françaises et brésiliennes. L’événement suivait le programme de Novembre Numérique, un festival international des cultures numériques promu par l’Institut Français et le réseau culturel français présent dans les pays du monde entier. Il a également bénéficié du soutien de l’ambassade de France au Brésil et de l’association française Villes Internet.

L’objectif était de créer un espace d’échange culturel entre la France et le Brésil, mettant à l’ordre du jour les défis numériques avec une approche prospective, réfléchissant à l’impact de la technologie sur des sujets tels que la citoyenneté, l’éducation et l’environnement.

La table ronde d’ouverture a été introduite par Olivier Giron, attaché de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France au Brésil, et Florence Poznanski, présidente d’Internet Sans Frontières – Brésil. Dans le débat, les principaux enjeux de notre civilisation ont été contextualisés au regard de la régulation mondial du numérique, qui doit suivre les mêmes principes de liberté, d’égalité et de sécurité collective du monde hors ligne. On a parlé de centres de données, de régulation nationale et internationale, et de réseaux de communication décentralisés avec Sérgio Amadeu, sociologue, professeur à l’Université Fédérale d’ABC (UFABC), chercheur des réseaux numériques et membre de la communauté du logiciel libre, avec Laura Tresca, journaliste et chercheuse en sciences sociales, représentante de la société civile au Comité directeur brésilien de l’Internet (CGI.br), et avec Félix Blanc, directeur fondateur du projet Danaïdes.org.

Retrouvez ici la vidéo de la table ronde d’ouverture “Citoyenneté hybride : technologie et droits dans un monde pos-pandémie” (7 décembre 2021) 

Politiques publiques numériques municipales : croiser les expériences entre la France et le Brésil

L’événement s’est poursuivi par un important et rare espace d’échanges sur les politiques publiques numériques locales, organisé en partenariat avec l’association de communes françaises Villes Internet. La maire de Juiz de Fora, Margarida Salomão nous a présenté ses principaux projets sur l’inclusion numérique pour la ville de plus de 550 000 habitants au sud de Minas Gerais, qui combine des réalités urbaines et rurales avec des accès très différents à Internet. Aux côtés de la maire, Akim Oural, adjoint au maire de Lille en charge de la ville numérique et conseiller de la Métropole Européenne de Lille délégué à l’Aménagement numérique (région Hauts-de-France) et président d’OpenDataFrance, a apporté sa lecture du concept de ville intelligente qui n’exclut pas l’intelligence collective des citoyens. Cristiane Serpa, sous-secrétaire au développement économique et sous-secrétaire aux affaires et aux investissements stratégiques de la ville de Belo Horizonte, a détaillé le plan transversal de numérisation des services publics de la capitale du Minas Gerais dans divers domaines tels que les transports, la collecte des ordures et la sécurité. Paulo José Lara, chercheur et coordinateur du programme des droits numériques à ARTICLE19 Brésil et Amérique du Sud, a présenté les avancées des lois municipales sur la protection des données qui ont été défendues dans certaines villes brésiliennes, apportant une contribution locale à cet agenda d’importance mondiale.

Retrouvez ici la vidéo de la table ronde “Politiques publiques numériques municipales : croiser les expériences entre la France et le Brésil” (8 décembre 2021)

Les espaces de l’école : droits, liberté d’expression et pédagogies numériques

La table ronde sur l’éducation a réuni les contributions de la chercheuse Laís Kurtz, coordinatrice de recherche à l’Institut de référence sur Internet et la société (IRIS) et doctorante en droit à l’Université fédérale de Minas Gerais (UFMG), qui a présenté une cartographie des politiques publiques pour l’inclusion numérique au Brésil en période de pandémie, explorant l’impact de l’enseignement à distance et les nouveaux obstacles à l’inclusion numérique qui sont apparus. Le débat s’est poursuivi avec la professeure Aléxia Pádua Franco, de la Faculté d’éducation de l’Université fédérale d’Uberlândia, qui a commencé son intervention en critiquant les approches qui «placent la technologie pour transmettre le contenu à la place des enseignants ». Libérées des limites physiques des salles de classe, cette dématérialisation permet d’augmenter les profits d’une manière qui nuit aux conditions de travail des enseignants mais aussi à la qualité des apprentissages. Elle a également souligné l’importance de la relation développée entre les enseignants et les élèves pour l’apprentissage, soulignant que seule l’application de la technologie dans l’éducation, sans réflexion, ne résout pas les problèmes éducatifs et ne signifie pas nécessairement une avancée, opposant un modèle d’éducation à l’entrepreneuriat avec l’éducation dans le but de promouvoir la citoyenneté. Anna Angeli, spécialiste de l’éducation numérique à Villes Internet, en France, a exploré les différences entre les contextes brésilien et français, affirmant que le contexte de la pandémie a révélé une profonde inégalité dans l’accès à Internet, notamment en ce qui concerne les compétences nécessaires pour utiliser la technologie d’une manière différente, satisfaisante, permettant l’accès et la réalisation d’autres droits, tels que celui à l’éducation.

Retrouvez ici la vidéo de la table ronde “Les espaces de l’école : droits, liberté d’expression et pédagogies numériques”  (9 décembre 2021)

Internet et environnement : lorsqu’on découvre que la dématérialisation pollue plus que l’impression du papier

La table ronde sur l’environnement s’est concentrée sur l’impact invisible des technologies numériques. Bela Loto, de Point de MIR (France), a axé sa présentation sur le cycle de vie des objets technologiques, de la fabrication, en passant par l’utilisation jusqu’à la fin de leur vie utile, soulignant l’importance d’augmenter au maximum la durée de vie des matériaux utilisés. Dans la mesure où la phase la plus consommatrice de ressources est la fabrication, les cycles d’utilisation accélérés et l’obsolescence programmée sont un sérieux problème auquel il faut faire face. Un autre point mis en avant a été l’impact des services numériques, avec de vives critiques à l’encontre du langage dit du « marketing vert », qui masque, sous des termes tels que « nuage » et « dématérialisation », l’impact réel sur le monde physique, avec les coûts énergétiques et la pollution qui en résulte, et l’impact de ces technologies sur le changement climatique. L’invité suivant était Caio Scheidegger, chercheur à l’Institut de recherche en droit et technologie de Recife (IP.Rec), qui a apporté des statistiques sur les émissions de carbone résultant des services numériques, en tenant également compte de l’utilisation et de la fabrication, considérant l’empreinte carbone. Celle d’un pays comme le Brésil est différente de celle d’autres endroits où l’accès à Internet est plus avancé, mais la tendance est d’augmenter les émissions à mesure que l’inclusion numérique progresse. L’extraction de crypto-actifs et la demande d’énergie et de matériaux pour la production des ordinateurs utilisés dans l’activité ont été un autre point de critique du chercheur, qui a mis en relation les crypto-monnaies et les combustibles fossiles utilisés pour générer de l’énergie, avec  l’exploitation minière traditionnelle, en termes d’impact environnemental.

Retrouvez la vidéo de la table ronde “Internet et environnement : lorsqu’on découvre que la dématérialisation pollue plus que l’impression du papier” (10 décembre 2021)